- Grand-père, tu nous as promis que tu continuerais à raconter ton histoire aujourd’hui !
- Bien, avez-vous pris votre bain ?
- Moi j’l’ai pris y a une lune !
- Bah moi j’l’ai pris hier, j’suis tombé dans la rivière…
- Bouhhhh il est nul, en plus il sait même pas nager !
- Mais ne riez pas, moi non plus je ne savais pas nager à son âge…
- Ton papa t’as pas appris à nager ?
- Vous savez, votre arrière grand-père a essayé de m’enseigner bien des choses, mais il n’a pas toujours réussi… Je vous parlerai de lui un jour, mais pour l’instant, revenons-en à nos moutons. Qui peut me dire où nous en étions ?
- T’allais au bordel avec tes copains et la méduse !
- Hum… On dit le souk, pas le bordel, Gar… Et la méduse comme tu dis, c’était le capitaine de Vestinia, essaye d’être un peu respectueux, au moins avec celle-là. En plus si elle savait que tu dis ça, je n’ose imaginer ce qu’elle te ferait, avec ses serpents… Allons, en fais pas cette tête là, je plaisante !
- Y faisait quoi ses serpents ? Y pouvaient mordre ? Y étaient grands ? C’était quoi comme serpents ?
- Houlà, une seule question à la fois… et puis non, de toute façon, nous-mêmes qui voyagions avec elle n’avons appris que plus tard ce dont ses serpents étaient capables, donc pour préserver le mystère, vous le saurez au moment même où moi je l’ai appris…
- C’est pas juste !
- Ben c’est comme ça. Sinon je ne dis plus rien… Alors, reprenons-en. Vous vous rappelez que nous allions voir la chasseresse, et je vous ai dit que nous en avions profité pour passer par le souk. Le souk, comme il l’appelait, c’était un grand marché, où il y avait plein de bruits, et les commerçants vendaient des épices, des objets typique de leur région, des produits alimentaires, des animaux, du tissu, plein de choses que nous ne connaissions pas forcément, car nous étions loin de là où nous habitions. Il y avait beaucoup de monde, et heureusement, je surplombais ça, je pouvais mieux respirer. J’avais même pris Ilanel sur mon épaule. J’avais peur qu’il se sauve encore une fois. Même si il me courrait sur les cornes, il faisait partie de notre groupe, et à la limite, c’était encore le moins bizarre. Les autres paraissaient à peu près normaux, mais ils cachaient quelques choses, tous. Au moins, ce lutin là, on voyait tout de suite qu’il était un peu fou, il ne cachait pas son jeu, on savait à quoi s’attendre… enfin presque… Et puis soudain, on a entendu des clameurs un peu plus loin. Il y avait un attroupement de personnes dans un coin de la rue, autour d’un homme, assez vieux, debout sur une petite estrade apparemment. Nous nous sommes approchés avec Kornir, Humbert, Vestinia et Ilanel qui se tenait comme il pouvait à mes cornes. Je le préférai là que gambadant je ne sais où à nous causer des ennuis… Ce que racontait le vieil homme était très intéressant. Il parlait des phœnix, de flammes, de choses qui allaient arriver ou qui s’étaient passées. Il semblait un peu déphasé, complètement absorbé par ce qu’il criait à toute la foule devant lui… Tout à coup, il fit apparaître une flamme dans sa main, tout le monde se regarda avec étonnement. Pour ma part, je me doutais qu’il ne s’agissait pas là d’une apparition quelconque, mais d’un trucage, à l’aide d’un briquet, ou bien encore était-ce un magicien, bref, il dupait tout le monde, mais son discours nous rendait curieux. Après qu’il ait fini de parler, Kornir et Humbert le questionnèrent. En fait, le vieil homme était le chef d’un groupe qui adulait les phœnix, entre autres choses. J’étais un peu trop absorbé par Ilanel qui tentait de descendre à la moindre occasion…A la fin de notre conversation avec Costimus, c’était son nom, nous avions pu avoir un rendez vous avec lui et son groupe deux jours plus tard, le soir. Il ne voulait nous dire rien de plus. Ce genre d’homme est bien mystérieux, et inquiétant aussi. Mais Kornir, lui, semblait attiré par tout ceci…
- Ben et la chasseresse, vous l’avez pas vu alors ?
- Et bien si, enfin un petit peu après. D’abord, j’ai emmené Ilanel avec moi choisir quelques plantes que je pouvais ramener à Isabella, votre arrière grand-mère. Puis nous sommes partis avec Kornir et Humbert chez la chasseresse.
- Et la méduse elle est où ?
- Elle a disparu après que Costimus soit parti. Elle l’a suivi pour savoir où il allait et recueillir quelques renseignements de plus. Elle avait tendance à faire des choses sans nous prévenir, elle aimait bien nous faire quelques surprises. J’ai bien envoyé un garde pour la suivre, mais si mes gardes sont encore simples soldats, ce n’est pas pour rien ! Cet imbécile l’a perdu rapidement, et a fini par visiter la ville… Pour notre part, nous sommes arrivés au magasin de la chasseresse. Il y avait plein de peaux partout, des plumes aussi, des crânes d’animaux exotiques, et même des animaux vivants dans des cages au fond de la pièce. Nous avons d’abord parlé à un jeune homme qui tenait le comptoir, puis elle est apparue. C’était une belle femme, forte, intelligente, et musclée. Il lui manquait tout de même un peu de féminité…
- C’est quoi la féminité ?
- C’est quelque chose que les minotaures n’ont pas. C’est ce qui fait la différence entre les humains et les humaines.
- Des cheveux longs ?
- Par exemple… Vous découvrirez ça un peu plus tard… Bref, son apprenti nous avait dit qu’elle vendait des plumes de phœnix, nous étions donc intéressés de savoir où elle les avait trouvé… mais elle ne dit rien. Elle respectait ces oiseaux, et d’ailleurs elle n’en avait pas tué pour avoir ces plumes. Nous avions eu beau insister, elle ne lâcha rien, et nous avons du repartir bredouille. Mais elle nous donna quand même rendez-vous aux jardins suspendus le soir même. Nous avancions donc un petit peu. Nous avions rendez-vous avec une chasseresse de phœnix le soir, et avec une secte qui vénérait les phœnix le lendemain soir…
- Et quand est-c’que t’as tapé des méchants ? Le chef de la secte il était méchant ? tu l’as tué ?
- Et bien… attendez, que je ne mélange pas tout, sinon l’histoire n’aura plus aucun sens. Donc nous n’avions rien à faire jusqu’au soir, et nous nous sommes donc séparés. Pour ma part, je suis allé voir le magasin voisin, qui était une forge, tenu par une ogresse. Elle n’était pas là, mais j’ai pu rencontrer un nain forgeron. J’aurai bien aimé améliorer un peu mon armure à ce moment là, mais j’ai du renoncer. Il aurait fallu que je me sépare de mon plastron pendant une journée entière, alors que je ne savais pas ce qu’il pouvait m’arriver jusque là… J’ai donc décidé de repasser plus tard. Kornir, lui, est reparti rendre visite à son nouvel ami magicien. Il voulait parler encore un peu des phœnix, et des légendes… J’y serai bien allé, mais rien qu’à l’idée de son thé, j’ai préféré me promener…
- C’est quoi du thé ?
- Et bien…c’est de l’eau chaude avec des herbes dedans.
- Beuuuuuuuuark !
- Je ne vous le fait pas dire… Mais les humains adorent. Et il faut faire avec leurs traditions que nous vivons parmi eux.
- T’as bien fait de pas y aller !
- Oui hein ? Bref, donc le soir nous nous sommes retrouvés aux Jardins Suspendus. Kornir nous a alors raconté son après-midi sensationnel… Mais il avait tout de même appris quelques trucs. Notamment que certaines rumeurs disaient que des phœnix volaient parfois le soir au dessus de l’étang des jardins. Etant donné que nous devions y retrouver la chasseresse, cela tombait très bien, et je me suis installé près de l’étang pour surveiller, non loin des autres. Kornir semblait préparer quelque chose avec Ilanel… cela ne présageait rien de bon, mais je leur faisais confiance malgré tout… Quand tout le monde est arrivé, Kornir a commencé à parler à son danseur, et après quelques mouvements, des flammes de plusieurs mètres de long apparurent dans le ciel, au dessus de l’étang et des maisons proches des jardins !
- Ouahhhh !
- Personne ne s’y attendait ! A part Ilanel justement… en tout cas ça avait l’air de le faire rire, il semblait tout excité. Kornir, quand à lui, ne faisait pas le malin… les toits des maisons commençaient à brûler ! Je me suis donc rué sur les débuts de flamme pour les éteindre avec ce que je trouvais, de la terre notamment, ou bien en enlevant les parties qui brûlaient pour les jeter dans l’étang… Et Ilanel était toujours aussi excité. Je me suis alors approché de lui, je l’ai saisi par le col, et posé sur un gros rocher, d’où je pouvais le surveiller. Je crois que ça l’a un peu calmé. Je ne sais pas ce qui c’était passé, mais je me doutais que ça venait de lui. Kornir était tellement surpris, qu’il avait du se faire avoir par le lutin…
- Y sont fous ces lutins !
- Fous ou inconscients… Et on avait réveillé pas mal de monde avec tout ça. C’est alors que Costimus apparut en criant « les Phoenix, ils sont là, prosternez vous » ou des trucs dans le genre… un bel allumé celui-là. L’idée d’aller le voir lui et sa secte le lendemain me semblait de plus en plus une mauvaise idée… mais nous n’avions pas beaucoup de pistes... et j’avais mes haches. Costimus est reparti juste après, et quand tout est revenu au calme, et que Kornir et Ilanel nous ai fourni quelques explications sur leur super idée de génie, nous avons attendu la chasseresse. Mais elle n’est jamais venue…
- Elle était morte ?
- C’est Kornouze qui l’a brûlé ?
- Non, ni l’un ni l’autre, enfin, peut être la première solution, mais nous n’en savions rien. Nous sommes donc allés voir à son magasin, avec peu de chance qu’elle y soit, mais nous n’avions pas d’autres adresses. Donc dans la nuit, nous sommes allés au magasin. Là, la porte était fermée, et les voisins ne pouvaient nous dire où elle dormait. Mais nous voulions savoir ce qui se passait, et nous voulions rentrer.
- T’as défoncé la porte alors ?
- Non, il fallait être discret, il y avait des gardes qui patrouillaient.
- Mais tu pouvais les tuer !
- Les premiers peut être, mais après, nous aurions eu toute la milice sur le dos. Et surtout, cela ne valait pas le coup. Il fallait rester le plus discret possible. Ilanel est donc grimpé en haut, sur la terrasse, et j’ai aidé Vestinia à grimper également. Avec Kornir et Humbert, nous nous sommes promenés en attendant qu’ils réussissent à entrer, pour ne pas éveiller les soupçons. Après plusieurs minutes, Ilanel ouvrit la porte, et nous avons pu rentrer.
- Et alors, la chasseresse, elle était morte ?
- Mais arrêtez ! Pourquoi voulez vous qu’elle soit morte ?
- Bah elle est nulle ton histoire, y a pas de bagarres et y a personne qui tue personne.
- Non elle est pas nulle son histoire, moi j’aime bien, c’est toi qu’est nul d’abord !
- C’est vous deux les nuls.
- C’est bon c’est fini ? Je peux continuer ? Donc, non, la chasseresse n’était pas morte, elle n’était même pas là. Nous avons cherché partout, mais il n’y avait aucune trace de lutte. Et la seule chose que nous avons trouvé, c’est un livre de compte. D’ailleurs, Kornir a encore fait un peu de magie pour ouvrir le tiroir où se trouvait le livre. Il a changé la planche de devant en morceau de viande. Un beau morceau tendre, mais bizarre, puisqu’il était encore rectangulaire.
- Et ça se mange ?
- Oui ça se mange, il a pris l’habitude de me changer quelques trucs en morceaux de viande quand j’avais besoin. Mais celui là ne je ne l’ai pas mangé, j’ai replacé le morceau après avoir pris le livre. Car après un certain temps, l’objet redevient comme avant. Mais tout ceci n’avait servi à rien, il n’y avait rien d’intéressant dans ce carnet. Nous sommes donc tous ressortis bredouille, et chacun est rentré dormir. Moi je suis passé à la taverne la plus proche pour avoir quelques renseignements. Une serveuse m’a appris que la chasseresse vivait dans les quartiers Est, et que l’apprenti vivait dans le coin. Mais pas plus. J’ai du donc attendre le lendemain comme les autres. Le lendemain matin, Vestinia était déjà parti, et je me retrouvais avec Kornir et Humbert. J’avais demandé à mes gardes de me trouver l’adresse de la chasseresse en échange d’une journée de permission. Il n’en fallait pas plus, et ils me donnèrent l’adresse tout de suite, puis ils sont allés se coucher ! Nous nous sommes donc retrouvés là-bas avec tout le monde. Apparemment Ilanel et Vestinia avait trouvé l’adresse autrement. Et la porte était ouverte ! Il y avait eu de la bagarre !
- Ouaiiiiis !
- Mais c’était déjà fini.
- Rohh…
- Il y avait un tigre blanc mort au milieu du salon, et le faucon familier de la chasseresse volait dans la pièce à l’étage, tout excité. Nous n’avons trouvé aucun indice nous permettant de savoir ce qui s’était passé, et où était passé la femme. Mais nous nous doutions qu’elle avait certainement été enlevée, si ce n’est pas tuée. Puis Vestinia a réussi là ou Kornir avait échoué. Elle avait réussi à communiquer avec le faucon, et celui-ci s’envola par la fenêtre pour nous guider vers l’endroit où sa maitresse était retenue prisonnière. Après une course poursuite sur les toits pour Ilanel, et dans les ruelles pour moi et les autres, où d’ailleurs la capitaine tomba dans une fontaine,…
- Ahahha !
- Il faut croire que la mer lui manquait ! Bref, nous sommes arrivés près d’une maison d’où sortait… devinez qui !
- Le cygne !
- N’importe quoi…
- L’ogresse !
- Non, elle n’est pas importante elle.
- Vestimus !
- Presque, Costimus… Oui, il sortait de là où était apparemment enfermée la chasseresse. Il nous fallait un plan pour savoir si elle était encore en vie, et pourquoi elle était là. Apparemment, elle devait avoir des différents avec la secte des phœnix. Kornir alla frapper à la porte, et alors que nous pensions passer par derrière avec les autres, il se fit inviter à rentrer !
- Et ils l’ont tué alors ?
- Non, mais nous ne savions pas ce qui allait se passer. Et nous ne pouvions pas prendre le risque d’aller le sauver non plus, il pouvait se faire tuer. Nous avons bien essayé de parler aux gardes de la maison, mais ils ne voulaient pas nous laisser entrer, et ils paraissaient dangereux… donc nous n’avons pas insisté.
- Ben t’aurai pu les tuer, t’as dit que t’étais fort !
- Peut être que j’aurai pu en tué un ou deux, mais Kornir était à l’intérieur, et même si c’était un magicien, il pouvait se faire tuer alors que nous nous occupions des gardes à l’entrée. Il y en avait au moins une douzaine à l’intérieur ! Je n’aimais pas l’idée qu’il soit là dedans sans savoir si il était en vie, blessé, ou emprisonné, si il buvait un coup en ami ou si il était torturé quelque part… Mais nous n’avions pas trop le choix d’attendre. Vestinia attira un garde avec elle pour discuter et en savoir plus. Quand à Ilanel, il réapparut un peu plus tard. Il avait réussi à rentrer dans la maison par une fenêtre et s’était rendu invisible pour ne pas se faire attraper. Il avait pu ainsi voir que Kornir était enfermé dans une cellule. Apparemment, les gardes attendaient le soir pour savoir ce qu’ils allaient en faire. Le soir même où nous devions les rencontrer ! Ilanel n’avait pas trouvé la chasseresse, mais il pensait savoir où elle pouvait être retenue prisonnière. Bref, tout ceci ne présageait rien de bon. Je serai bien rentré pour sortir Kornir de là, même si selon le lutin, il ne semblait pas trop inquiet. Je pensais, et je le pense encore, qu’il était inconscient ! Il s’était jeté dans la gueule du loup, alors que les derniers événements nous avaient montré que cette secte n’était pas très claire… Il fallait que nous agissions, mais avant, nous devions en savoir plus…
- Ouaiis, y va y avoir de la bagarre !
- Peut être, mais ça, vous le saurez demain… ! Tout de suite, il se fait tard, donc tous au lit !
- Ben non alors !
- Ben si, car plus vite vous dormirez, plus vite vous saurez la suite !
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