Une série bien sympathique, mais qui suscite des avis assez tranchés.

"Malazan Book of the Fallen" est le petit nom d'une série décrite par la critique comme "à mis chemin entre Cook et Martin". Un simple coup d'oeil suffit à comprendre pourquoi, alors qu'il n'y a que très peu de points communs...
>Le lien avec la Compagnie Noire: des batailles, des batailles, encore des batailles, la vie quotidienne des soudards...
>Le lien avec le Trône de Fer: des personnages ambivalents et parfois stupides, beaucoup de coups de poignards dans le dos (la politique c'est sale), pas mal de morts, un style d'écriture non-chronologique ou l'on saute de personnage en personnage.

Maintenant les spécificités:
On est dans un monde med-fan (jusque là rien d'original) extrêmement détaillé, peuplé de nombreuses races/civilisations (un peu trop parfois), chacune bien détaillée et nuancée (le quatrième de couverture en profite pour nous préciser que l'auteur serait anthropologue d'où réalisme, ce qui ne me semble pas forcément un lien de causalité, mais comprenne qui pourra).
Erikson se concentre (oh surprise) sur l'empire de Malaz, et ses efforts pour se développer et étouffer les révoltes en son sein.
Mais la vraie particularité de ce cycle réside dans son panthéon et sa magie; en effet, chaque "école" de magie répond à un ou des dieux tutélaires (ce qui en fait un certain nombre), et ces dieux participent aux jeux de pouvoir et d'influence auxquels se livrent les mortels.
On peut distinguer différents types d'intrigues, chacun entrecroisé avec les autres: militaire, politique, lié aux dieux, lié aux races, lié aux personnages.

Les défauts et les critiques:
Personnellement, je peux lui faire deux reproches:
- la trop grande importance accordée aux récits de batailles
- le trop grand nombre de races. On a l'impression que les races anciennes pleuvent à verse (et peuvent bien sûr se croiser pour donner des hybrides...), on s'attend un peu à en voir débouler une nouvelle à chaque chapitre... D'où une petite impression de se trouver dans un mauvais JDR grand public, genre DD.

J'ai aussi lu une autre critique:ce serait un fouillis innommable
Je pense que cette critique regroupe plusieurs points; le volume, le style, les personnages, la magie et le monde.
Le volume> Chaque tome fait sur les 1000 pages, et 10 tomes sont prévus (7 parus jusqu'à maintenant), donc il est évident qu'il faut une certaine dévotion à la cause sacro-sainte de la lecture, mais rien qui puisse rebuter les afficionados.
Le style> On l'a dit, il n'y a pas d'ordre strictement chronologique entre les chapitres, on assiste à des retours en arrière ou à des ellipses temporelles... Au lecteur de deviner ce qui s'est passé entre temps, en se basant sur ce que les autres personnages en ont entendu... Je trouve personnellement que cela procure une certaine satisfaction en donnant au lecteur l'impression d'être intelligent (l'impression, j'ai dit).
Les personnages> Ils sont très nombreux, très détaillés, chacun avec ses propres motivations, et il n'y a pas plus de personnages secondaires que de héros. Mais rien qui rejoigne la complexité d'un Au Bord de l'Eau, bien que je conçoive que les amateurs d'heroic-fantasy "traditionnelle", avec un petit groupe de héros en quête pour sauver le monde, puissent se sentir perdus.
La magie> Il y a là un système très riche sur lequel je ne m'appesantirait pas, car il fait l'un des principaux intérêts de l'univers, toutefois il faut préciser qu'elle ne constitue pas un deus ex-machina. Ainsi, elle possède ses propres restrictions, et même les dieux sont mortels (parfois aux deux sens du terme d'ailleurs).
Le monde> Alors là, impossible de contester; des continents en veux-tu en voilà, des civilisations oubliées qui reparaissent, des envahisseurs extra-dimensionnels, des cultures nombreuses et absolument pas monolithiques, des races par pelletées... On a parfois une impression de surenchère.

Mon avis:

Personnellement, ce que j'ai apprécié dans ces livres, c'est qu'ils ne sont pas anthropocentrés. L'être humain est très présent (normal vu que c'est la race dominante), mais au fond, il ne connait pas grand chose du monde. C'est une sorte de parasite: sa magie est une forme moins puissante de celle des races anciennes, sa connaissance des sciences (alchimiques, par exemple) est en partie volée à d'autres races...
Et ils ne dominent le monde que parce que leurs ancêtres ont commis un génocide millénaire contre les autres races intelligentes.
On nous présente une vision globale du monde (parfois au détriment de la clarté, il est vrai), qui donne une impression d'immersion.

Ce qui est plus déplaisant (et là les lecteurs du Trone de Fer sauront de quoi je parle), c'est le fait qu'il y ait 2-3 "arcs" différents, et que chaque livre se concentre exclusivement sur un de ceux-ci... On se retrouve donc parfois à attendre le retour de son personnage préféré (eh oui, qui n'a pas son chouchou) pendant 1 ou 2 tomes...

Peut-on lire les différents tomes indépendemment?
Oui et non. Oui, dans le sens où l'intrigue principale d'un volume est auto-conclusive. Non, car les développements concernant les personnages et le monde, ainsi que le jargon technique, ne sont pas réexpliqués d'un volume sur l'autre. A éviter, donc, à moins de posséder un esprit habile pour la reconstruction et une imagination fertile.

Merci. Mon frèro profitera peut être à noël du premier Tome, la critique relève des points sympathoches...
Pour ma part, lorsque j'aurais à nouveau le goût de la fantasy, j'irai dans cette direction.

Pour la collection, quel éditeur conseilles-tu? (j'ai pas envie de chercher et puis on ne sait jamais si il en a une qui à fait du bon boulot. Avec cartes et annexes...)

Bon, sinon, lorsque tu dis que ce n'est pas trop centré sur l'homme, puis ensuite que tu dis que c'est une série qui donne une impression d'immersion, je ne comprends pas bien :
Le problème bien souvent d'un récit qui recherche une impression d'immersion, est qu'il devient anthropocentré. Les différentes figures sont peut être que des facettes de l'Humain... En tout cas cette problématique m'interesse vraiment, et si les deux désirs de l'auteur ne s'annulent pas, ce doit être vraiment de la grande Fantasy.

Ciao

Aëris, je pense que ta question est mal posée: "Pour la collection, quel éditeur conseilles-tu? (j'ai pas envie de chercher et puis on ne sait jamais si il en a une qui à fait du bon boulot. Avec cartes et annexes...) "

on sait pas si tu cherche un éditeur ou une collec', de plus la cartographie c'est au choix de l'auteur, certains en font d'autres pas, ça n'a rien à voir avec la collec' ou l'éditeur
pareil pour les annexes
Désolé...
Essaye encore...

Pour la collection:
- en français, seul le premier tome est paru, en grand format (22 euros), aux éditions Buchet-Chastel, en 2001... Rien ne laisse penser que la suite sera traduite. Les cartes sont présentes, et avantage du grand format, un peu plus belles que sur les poches anglais. Les listes des personnages, des Warrens/Holds, la description du Deck des Dragons et le lexique sont présents.
Avantage: Les petits textes d'intro de chapitre sont beaucoup plus compréhensibles dans cette version (assez ardus en VO, parce qu'ils "reproduisent" des extraits de traités historique, géographique ou magique, ou encore des prophéties, poèmes...)

- en anglais, il-y-a a priori 3 versions: grand format, moyen format et poche (le 7ème volume n'est pour l'instant pas disponible en poche). Je ne parlerai que du poche, puisque c'est le format que je privilégie: publié par Bantam Books, prix UK £8.99 / CAN $12.99, et 15 € à Trollune si je ne m'abuse.
Les seules différences: la preview du prochain bouquin, sous la forme d'un extrait à la fin, des listes et lexiques un peu mieux ordonnés et donc un poil plus clairs, et pour ceux qui veulent rigoler, plein de commentaires dithyrambiques sur l'auteur et son oeuvre au début du livre... Donc rien qui justifie d'acheter telle version plutôt que telle autre, si ce n'est le prix et la taille des ouvrages.

> Pour ce qui est de l'impression d'immersion, je voulais dire qu'on sent l'univers vivre indépendemment des personnages. On suit des personnages (souvent humains, surtout dans les premiers tomes, mais pas toujours), mais leurs actions ont souvent des répercussions différentes de celles attendues (parfois contraires), et ils peuvent échouer ou mourir, voire refuser ce qu'on attend d'eux et fuire... Et malgré cela, pas de trace de fatalisme ou de sens de la destinée comme on en trouve trop souvent en fantaisie.
> Pour ce qui est de l'anthropocentrisme, on change régulièrement de point de vue, et les personnages eux-mêmes évoluent, ce qui permet de relativiser certaines choses. De plus les civilisations sont bien pensées et détaillées, sans qu'il y ait de jugement de valeur (ou alors effectué par les personnages eux-mêmes). On perçoit aussi le fait qu'une culture est un chose qui évolue avec les contacts, et non un absolu figé comme certains auteurs contemporains voudraient nous le faire croire.
> Une petite nuance: les schémas de pensée des personnages restent tout de même majoritairement humains. Il est vrai que la plupart des races sont physiologiquement proches des humains au point qu'elles peuvent s'hybrider avec eux, mais certains points comme l'immortalité (ou une très grande longévité), ou encore le fait d'être un Soletaken (hybride/garou) auraient peut-être mérité un traitement psychologique un peu différent.

Merci de l'effort. C'est sympa
Pour la VF, je ne connais pas l'éditeur, "Buchet-chastel". Ce doit être un éditeur généraliste.

Je pense que je ferai l'effort de lire en anglais en suivant tes conseils, même si l'édition anglaise abuse sur les prix et que ça m'ennerve de payer un poche £10.00 en moyenne.



Pour ce qui est de l'impression d'immersion, je t'écris plus tard, là, c'était juste pour te remercier. Ciao.

Juste pour préciser qu'a priori, les droits de la série ont été récupérés par Calman-Levy. Donc peut-être qu'en attendant un peu, le reste sera traduit...

Mouaip...
Bin en tout cas pour moi ça m'arrange guère.

Pasque Calmann-Levy, y font du super boulot, et j'aime beaucoup, mais ils ont le défaut conséquent d'être diffusés par Hachette...
Ce qui signifie qu'en tant que libraire spécialisé et de taille modeste, je ne peux que très diffilement me les procurer, et ce ni directement auprès d'eux, ni avec des remises convenables, ni avec des frais ou délais raisonnables de livraison... Merci à eux

Charles

comme toujours, Karl avec son statut nous montre en deux mots comme l'argent et la consommation arrive à nous pourrir la vie plus qu'elle la facilite et comment la valeur d'un livre et la valeur de la culture ne pèse rien face au poid du billet et de son symbole.

Quand je pense que veux devenir libraire, je frissonne.

Petite MAJ:
Le tome 2 est sorti en français depuis quelques mois chez Calmann-Levy, même si apparemment il a souffert le même sort que le Trône de Fer, à savoir le découpage à la machette. Plusieurs volumes à prévoir, donc.

Erikson est un génie.

J'ai tendance à l'oublier, vu l'étendue de son œuvre et le temps passé à attendre chaque nouvelle parution. Mais la lecture de Toll the Hounds, la huitième Tale of the Malazan Book of The Fallen (sur les 10 annoncées), me l'a rappelé avec brutalité.

Certes, Erikson n'a peut-être pas le style impressionnant d'un Rothfuss. Mais si la forme de ses romans n'est pas pour autant à dédaigner, leur force vient d'un fond presque parfait. Un fond qui gagne en force de tome en tome pour aller vers un final épique, et, n'en doutons pas, éblouissant de maestria. Un fond qui s'oriente de plus en plus vers la tragédie, justifiant pleinement le nom de la série. Et quand je parle de tragédie, je pense à la Tragédie grecque (ou peut être aux mythes nordiques), à toute la force du pathos des mortels et immortels qui se débattent dans les filets du Destin.

Le cinquième tome de la série, Midnight Tides, m'avait déjà frappé par ce côté tragique, et ce dernier tome a fait plus que conforter cette impression. Car l'auteur a corrigé sans effort l'un des défauts que j'avais pu relever précédemment, à savoir la psychologie trop anthropomorphe de certains personnages. Ce tome fait beaucoup pour approfondir l'Histoire et la psychologie des races jaghut et tiste andii, ainsi que de trois personnages en particulier: Anomander Drake, Son of Darkness ; The High King Kallor ; and Hood, Lord of Death. Cela ne les rends pas plus compréhensibles (peut-être même l'inverse), mais plus sympathiques: le lecteur ne peut absolument pas s'identifier à eux, mais il peut compatir à leurs sorts.

Et les morts... tant de morts! Comme vu précédemment, l'auteur n'hésite pas à sacrifier ses personnages quand l'histoire l'exige, et nul n'est à l'abri de la faucheuse, soit-il dieu, ascendant ou héros. Pour l'instant, seul Karsa le toblakai semblait pouvoir se frayer un chemin jusqu'à la fin de la série, tel la force de la nature qu'il symbolise, mais ce huitième tome me fait douter même de cette simple évidence.

Et tout reste encore à dire sur les conflits titanesques se déroulant sur les autres continents, auxquels des références récurrentes et sans cesse plus inquiétantes sont faites (clans de T'lan Imass détruits, conflits entre Jahgut et Forkrul Assail, présence d'Icarium Lifestealer sans son gardien).

Bref, je suis plus accro que jamais, et je tremble déjà à l'idée que dans deux tomes (enfin, un puisqu'il parait que Dust of Dreams est déjà paru au Royaume-Uni), la série prendra fin. Et je continue à espérer la survie de mon personnage préféré. Sans grand espoir.