Haruki MURAKAMI, auteur célèbre au Japon, et candidat sérieux au prix Nobel de littérature, écrit à la frange du fantastique des récits empreints d’humour et de mélancolie, dont on sort étrangement étranger à soi-même. Grand explorateur du monde des rêves, MURAKAMI sait être cruel - et pourtant son oeuvre possède une grâce indescriptible.
Son premier roman, Ecoute la chanson du vent, sort l’année suivante et décroche le prix Gunzou. Premier d’une trilogie, il est suivi du Flipper de 1973 [1980] et de La Chasse au mouton sauvage [1982]. Le succès est immédiat.
Ces trois premiers romans définissent déjà le style de MURAKAMI. Un style pour lequel les Japonais utilisent l’expression mono no aware, [traduction française : « la poignante mélancolie des choses »], une expression datant de la période de Heian pour désigner par exemple « la vue des feuilles qui tombent en silence ou d’une personne chère qui disparaît au détour d’un chemin »... un sentiment de néant mélancolique, qui correspond donc à une tradition de la poésie classique japonaise.
Chez MURAKAMI, les histoires d’amours finissent mal, les animaux sont porteurs de symboles indéchiffrables, et Dieu à un numéro de téléphone. Le quotidien est rendu de façon hyperréaliste et dessine les détails urbains et ménagers d’existences vide de sens. Mais dans le même temps, l’instant le plus banal contient l’éternité... on rejoint là l’esprit des haïkus.
Et puis, fatalement, passe une jeune fille aux jupes légères, ou un chat qu’on pensait disparu, et tout bascule dans une quête onirique aux limites de la SF du fantastique, semée de codes qui nous échappent. Parmi ses influences, MURAKAMI cite régulièrement l’auteur de SF décalée Kurt VONNEGUT.
MURAKAMI est également traducteur : on lui doit les traductions japonaises d’auteurs américains classiques comme Scott FITZGERALD, Raymond CARVER ou John IRVING. Il ne faut pas le confondre avec un autre auteur japonais qui mérite l’intérêt, Ryu MURAKAMI, qui écrit des choses beaucoup plus trash.
LE JAZZ ET LA COURSE PIED
MURAKAMI est un auteur extrêmement populaire au Japon. Pour preuve les deux millions d’exemplaires vendus pour sa Ballade de l’impossible, chronique nostalgique de la vie de six étudiants dans le Japon des années 60-70, en 1985. Mais par esprit d’indépendance, certains disent par anti-conformisme, il s’est exilé en Grèce, en Italie puis installé aux Etats-Unis, en 1991, où il a enseigné la littérature japonaise à l’Université de Princeton.
En 1995, après le tremblements de terre de Kobé, sa ville natale, il revient vivre au Japon, signant son retour par un recueil de nouvelles baptisé Après le tremblement de terre. Le séisme n’y est évoqué que de façon très allusive, mais marque de son onde de choc chaque destinée.
On peut ajouter, à propos de MURAKAMI qu’à 53 ans il s’impose une vie spartiate, pratique la natation et la course à pied tous les jours [il a participé à plusieurs marathons], se lève à 4H le matin et ne se couche jamais après 21H. le soir. Il vit à Oisi, près de Tokyo, avec sa femme, Yoko.
Il demeure un passionné de jazz, propriétaire une collection de 40 000 disques et habitué à semer au fil de ses romans des titres de Miles DAVIS ou Duke ELLINGTON [les fans ont recensé plus de cinquante références précises.]
Enfin il n’a jamais nié qu’il aimait, comme ses personnages, regarder les matchs de base-ball à la télévision en buvant de la bière.
« Quelle que soit notre vérité, la tristesse d’avoir perdu quelqu’un qu’on aime est inconsolable. La vérité, la sincérité, la force, la douceur, rien ne peut calmer la douleur, et, en allant au bout de cette souffrance, on apprend quelque chose qui ne nous est d’aucune utilité pour la prochaine vague de tristesse qui nous surprendra. » [Haruki MURAKAMI, "La Ballade de l’impossible"]
Merci au cafard cosmique pour les détails sur l'auteur.
_________________ on croit apprécier le crépuscule des dieux mais on regarde le chaos d'une humanité morte-née
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