Un titre un peu trompeur en vérité. Les romans dont je voudrais dire deux mots ici sont en fait clairement à ranger dans la catégories polar.
Mais tout d'abord, je n'aime pas énormément les catégories. Ensuite ces polars ci ont la particularité de se dérouler tous sur les terres d'une réserve indienne Navajo, et le fantastique n'y est jamais très loin.

Il s'agit donc d'une série de roman écrits par Tony Hillerman, dont les héros sont deux agents de la police tribale navajo (force de l'ordre chargée de faire respecter la loi sur la réserve). L'auteur est lui-même indien (bien qu'il ne soit pas navajo).
Pourquoi ces romans sont-ils fantastiques ?
On y découvre tout d'abord une autre culture que celles qu'on connait. La culture des indiens du centre de l'Amérique, dans la région des four corners, à l'intersection des frontières entre les états du Colorado, du Nouveau Mexique, de l'Arizona et de l'Utah (ceux qui ont jadis joué à Crazy Cars connaissent). Sur les terres de la réserve, la vie ne se déroule jamais tout à fait comme dans le reste de l'amérique. La spiritualité est très présente, la sorcellerie est tapie dans l'ombre, et les moeurs impliquent des modes de raisonnement souvent assez différents de la résolution classique d'une enquête.
En second lieu, les personnages sont très réussis ; ils évoluent au rythme de leurs aventures, leur psychologie n'est pas tracée avec un compas et une équerre mais est riche et nuancée. Leurs aventures les capturent à travers diverses phases de leurs existences ce qui permet d'y voir un côté campagne cher à de nombreux rôlistes. Les deux principaux personnages sont Joe Leaphorn, un vieux lieutenant pragmatique de la police tribale et Jim Chee, une jeune recrue qui caresse le rêve de devenir "shaman" tout en essayant de mener du mieux qu'il peut son métier de policier. D'autres personnages récurrents viennent enrichir l'histoire de leurs apparitions et de leurs apports.
L'histoire elle-même ensuite doit retenir quelques commentaires ici. Des scénarios sans cesse renouvelés. Variés tant dans la forme et le thème abordé : souvent en relation avec la science, la religion ou l'environnement, les trois grands thèmes qui semblent faire l'identité de la région des four corners, mais touchant aussi la culture au sens large, la loi, la finance, l'amour, et de nombreux autres poncifs du polars ; tous les sujets sont prétextes à enquête. Ce qui fait qu'il y a toujours quelque chose à découvrir à la lecture d'un de ces romans... Mais aussi variés dans la présentation d'une intrigue et dans les mécanismes utilisés pour faire progresser l'histoire. Ce qui donne le sentiment de toujours avancer dans une exploration inachevée, où l'on retrouve décors et personnages mais où le monde reste source de questionnement. Tantôt action tantôt réflexion, tantôt humain tantôt implacable, on ne retrouvera jamais deux fois le même schéma narratif, ce qui est, je pense, la marque d'un véritable auteur, créatif et vivant !
Enfin, en dernier point, le style sobre reste porteur d'une capacité à nous faire sentir la scène telle qu'elle est vécue. Le tout est riche, voluptueux, sonore, sans être jamais intrusif ! Une véritable invitation lancée à l'étranger, au belagani, ignorant des habitudes de la réserve, à venir découvrir les modes de vie ancestraux et la sagesse calme et naturelle des indiens des four corners...

Je tenterai de faire une présentation de chaque tome avec le thème lui servant de toile de fond, afin d'orienter ceux qui auraient la curiosité d'essayer l'un de ces très bons livres...

Alexandre

J'ai eu très peur en voyant le titre de voir un beaucoup plus gros et sérieu sujet se profiler. Heureusement c'est qu'une critique littéraire, ouf....

Pour faire dans l'humour pourrri sachez monsieur que les navajos ne font pas toujours dans le fantastique, non voyez les navajos de la première chaine française dont le nom commence par TF

Grandis un peu UR !

Alexandre

Et moi qui pensais maintenir mon cerveau alerte en faisant des blagues!!!
Triste ironie...

Ah, ces cowboys avec leur traumatisme vis à vis de leur génocide amérindiens... C'est sûr qu'une histoire avec peau rouges pas loin fait frissonner le lecteur outre-atlantique. Je repense à Stephen King et son Shining magnifique...

Bref, j'attends les présentations de Gagas avec impatience.
...

Je répète que l'auteur est lui-même indien, et qu'il ne s'agit pas trop d'un cowboy qui veut exorciser ses vieux démons. Je pense que la démarche artistique est plutôt couplée à un désir sincère de faire découvrir une culture marginal(isé)e de fait.
Quant aux présentations, il ne faut pas trop en attendre. D'abord car mon idée était de donner le thème en rappelant l'ordre chronologique des titres. Mais comme je n'ai pas les livres sous la main ce n'est pas pour tout de suite.
De plus, comme c'est du polar, je vais essayer d'en dire le moins possible sinon je risquerais de révéler des choses qui méritent d'être lues.

Alexandre

ok, c'est vrai... mais bon c'est que l'autre face d'une même pièce.
...

Bon alors voilà un début de présentation des différents volumes.

La voie de l'ennemi. Le premier de la série, il met en scène le lieutenant Joe Leaphorn et sa méthode d'investigation rationnelle particulière. Le thème : la sorcellerie et l'anthropologie.

Là où dansent les morts. Deuxième opus mettant en scène Joe Leaphorn. On y apprécie un peu mieux sa méthode et le cynisme du personnage. Au programme : anthropologie, religion zuni et communauté hippie.

Femme qui écoute. Troisième tome concernant Joe Leaphorn. On y effectue une plongée dans l'univers de la "médecine" dans les four-corners, et l'histoire se développe dans les (presque) inaccessibles canyons de la région.

Le vent sombre. Premier tome des aventures de Jim Chee, un jeune sergent traditionnaliste dans l'âme. L'histoire tourne autour de la religion hopi, de rebellion à l'autorité blanche et d'un mystérieux avion atteri en catastrophe sur la réserve.

Le peuple des ténèbres. Deuxième roman consacré à Jim Chee. Les mines d'uranium de la région et le culte du peyote, une église parallèle révérée par certains navajos, contribuent à en dresser le décors.

La voie du fantôme. Troisième volet des aventures de Jim Chee. Le jeune policier, poussé par ses sentiments, se met à la recherche d'une adolescente disparue. Ses recherches vont l'amener loin de la réserve. Slalom entre les lignes tendues par le FBI.

Porteurs de peau. Les porteurs de peau sont les fameux "loups navajos", ces sorciers qui ont consacré leur vie au mal. Ce roman est le premier à réunir les deux personnages fétiches de Tony Hillerman. Tout ne va pas sans heurt.

Note : à partir d'ici, tous les romans évolueront "à 2 voix", mêlant les investigation de Jim Chee et Joe Leaphorn, en collaboration ou en parallèle.

Le voleur de temps. Anthropologie et trafic d'objets anciens sur fond de mysticisme profond.

Dieu qui parle. Une autre aventure qui emmenera nos héros hors des limites de leur réserve. Et il y a de quoi. Tout commence par un meurtre et un cadavre édenté non identifié. Et dérive vers une histoire internationale, sur fond d'exposition muséologique consacrée aux rites indiens et à l'artisanat.

Coyote attend. Coyote, c'est celui qui est dehors et qui a toutes les ruses pour vous faire du mal. Un mal naturel, à la différence des loups navajos. Et quelqu'un cherche à repeindre le sommet des montagnes basaltiques de Ship Rock. L'assassin est tout trouvé, pris la main dans le sac pour ainsi dire. Mais alors les enquêteurs et le système judiciaire s'interrogent.

Les clowns sacrés. Politique locale, religion des pueblos pour un choc des cultures et une enquête à plusieurs peu conventionnelle.

Un homme est tombé. Escalade, culture sacrée et une vieille affaire ressortie des dossiers onze ans après son classement. Joe Leaphorn, fraîchement à la retraite, ne résiste pas à l'idée de reprendre du service et va à nouveau collaborer avec Jim Chee, le sortant de la paperasse dans laquelle sa promotion l'a plongé.

Le premier aigle. L'assassinat d'un policier, un coupable désigné. La religion Hopi et le service de surveillance de propagation des épidémies vont venir masquer et embrouiller les faits. Jim Chee va repartir à la chasse comme le faisaient ses ancêtres.

Blaireau se cache. On découvre la forte inimitié entre Utes et Navajos. Mythes Utes, un braquage de casino, une traque dans les canyons. Un roman haletant où la rivalité entre le FBI et les forces de police locales est habilement mise en parallèle avec celle des deux tribus.

Le vent qui gémit. On change ici légèrement la donne. Les personnages de J. Chee et J. Leaphorn continuent à animer ce roman mais s'effacent légèrement au profit de l'agent Bernadette Manuelito, une jeune femme navajo, subordonnée de J. Chee qui pour sa part commence à souffrir de la mauvaise réputation qu'il s'est taillé auprès du F.B.I. ; le roman est résolument féminin, il reprend de nombreux éléments déjà vus au fils des romans précédents et son thème est une histoire de mine d'or et (aussi) une histoire d'amour. Un bon choix pour découvrir cette série pour celui qui ne veut pas s'y lancer pleinement tout en profitant de l'ambiance à fond.

Alexandre

Le cochon sinistre : le cochon sinistre, c'est celui qui mange toute la nourriture, quitte à en priver le reste de la soue. Ca existe aussi dans une étable ou dans tout type d'élevage d'ailleurs. Ici, on est aux prises avec des gros bonnets et un mystérieux trafic... mystérieux, mais d'envergure en tout cas.
On continue avec J. Chee, B. Manuelito et J. Leaphorn, mais la jeune policière a changé de boulot. Elle travaille désormais au service des douanes, à la frontière mexicaine. Pour la première fois, l'auteur dévoile en partie ses machiavels et les criminels font partie intégrante du récit. Les thèmes regroupent les questions d'immigration (clandestine bien sûr), de trafic (c'est du lourd), des riches domaines états-uniens avec terrains de chasse privés (du gratin je vous dis) et les histoires d'amour (!). L'auteur met en scène des instances nouvelles et n'hésite pas à faire rentrer dans la danse des intérêts très haut placés (alors que jusqu'ici le F.B.I. représente haut la main l'échelon 'officiel' le plus élevé auquel les personnages ont à faire). Le résultat nous transporte complètement de nos habitudes très 'locales' au niveau international, avec des mexicains qui ne sont pas en reste...
Ha, au fait, à propos de cochon sinistre : la philosophie navajo exclut strictement toute accumulation de richesses...

Alexandre

L'homme squelette : on retrouve l'atmosphère de Blaireau se cache avec un chasse dans les canyons à la poursuite de mystérieux diamants. L'enjeu n'est pas de retrouver cette manne mais bien d'établir sa provenance ; il en va de la justice à rendre à un homme accusé d'homicide et de vol.
Une histoire de famille, un vieil indien qui tente de faire survivre un culte bizarre et la culture du secret des kivas (ces cellules religieuses hopis) vont compliquer la tâche de nos quatre enquêteurs. Jim Chee, pour aider son copain shérif Cowboy Dashee, va-t-il réussir à éclaircir ce mystère ? Les conseils du légendaire lieutenant Leaphorn lui seront-ils plus utiles pour retrouver les bijoux ou pour conquérir le coeur et la main de Bernie Manuelito ?

Alexandre

Le brave homme vient d'aller rejoindre ses ancêtres:

http://legacy.suntimes.com/ChicagoSunTi ... =119429003

Son dernier livre dans la série s'appelait le chagrin entre les fils. Il présentait l'histoire d'une couverture historique navajo, évoquant avec cela des siècles d'histoire. Où qu'il soit j'espère qu'il repose en paix (l'auteur pas le livre).

Paraph, on ne t'appelle pas épitaph aussi des fois ?

Alexandre[/i]

[Voix de Nelson des Simpsons+désignation digitale]: Ah Ah!!

C'est sûr que je commence à avoir pas mal de scalps à mon actif.

Je noterai au passage que j'ai lu le premier roman chronologiquement publié, "The Blessing Way", il y a quelques mois. J'en dirai des choses positives à l'occasion, et je m'empresserai de lire les autres bouquins dès que je serai de retour à la civilisation.

Hum, pas facile de répondre à çà. Plusieurs raisons sans doute. D'abord en y repensant je m'étais dis qu'il y avait un certain nombre de ces bouquins que je devrais relire, dont "la voie de la bénédiction" (voie de l'ennemi dans son titre français)... et aujourd'hui ça aurait une connotation étrange de le faire. Bref.
Tu lis en V.O. ? C'est une question mais je m'en sers aussi pour amener une remarque sur la traduction qui est il me semble très brillante. Attention à choisir les versions traduites par Danièle et Pierre Bondil, il existe un livre qui avait été traduit par un autre mais qui pour l'anecdote avait été retiré suite à plaintes nombreuses et "répudiation publique" de la part de l'auteur.
Quoi qu'il en soit les romans en français sont vraiment agréables à lire et on trouve en surplus un lexique à la fin qui offre quantité d'informations sur la culture des indiens des plaines ce qui n'est pas présent dans les romans américains si je ne m'abuse..
Voilà je ne suis pas un maître de l'hommage posthume, mais puisse cette petite contribution participer au repos de l'âme du brave homme.
Et nick Johnny Halliday et tous les faux-amis des indiens !
Alexandre