Donc voila mon coup de cœur fantasy du mois (voire d'un paquet de mois en fait): j'ai nommé la Guerre des Cygnes.
Bien que l'auteur soit canadien (décidément, on va finir par croire que je fais du favoritisme envers nos amis canadiens), et que les ouvrages soient subséquemment traduits de l'anglais, le style reste agréable dans le pire des cas, évocateur et poétique le reste du temps. Une belle traduction, donc (est-elle fidèle, par contre, c'est une autre question).
Donc au niveau de l'histoire, nous avons un affrontement séculaire entre 2 maisons rivales (façon Montaigu et Capulet) pour un trône qui n'existe plus. Mais comme le remarque un des personnages au cours du premier roman: la haine coule le long du fleuve et abreuve les terres. Comme l'on ne tarde pas à le découvrir, ce conflit n'est qu'une ridicule répétition d'une lutte apocalyptique (et je n'exagère pas) entre les grands mages du passé, qui fait d'ailleurs sa réapparition, s'insinuant dans les guerres des mortels.
Le découpage en trois tomes (dans l'édition poche en tout cas, car le grand format avait vu 4 tomes) est relativement pertinent, car au fur et à mesure que l'on progresse dans la lecture, on assiste à la prise d'influence croissante des sorciers revenus à la vie, et l'on quitte de plus en plus souvent les terres des mortels pour suivre les périples des personnages. Les tomes rythment donc un passage d'un monde similaire au notre (y compris dans la rationalité des personnages, qui ne croient pas à la magie), a un univers quasi onirique.
Le résumé nous indique que l'auteur (Sean Russell) a été profondément marqué par le Seigneur des Anneaux, et à la lecture des 2 premiers tomes, j'étais honnêtement un peu perplexe quant à la comparaison; certes, l'auteur utilise un procédé stylistique similaire à Tolkien, à savoir densifier le monde par l'intermédiaire de chansons relatant des évènements passés chantées par les personnages (ainsi une scène du début, ou Alaan chante, m'a évoqué la nuit au Mont Venteux, avec Aragorn chantant l'histoire de Beren et Luthien). Mais à part cela, on notait juste au niveau des thèmes que chaque pouvoir a un prix proportionnel, et que les sorciers peuvent placer un part de leur pouvoir dans un objet, mais sans plus.
Puis vint le troisième tome, et avec lui la révélation: non seulement on y retrouve l'idée que la mort est une destinée qui n'a rien de naturel, mais l'identification entre le royaume de la Mort et le Mordor est forte, même dans l'ambiance qui se dégage des terres avoisinantes. Une scène, où les héros sont attaqués de nuit par des sortes de sangliers mutants, m'a fortement évoqué l'attaque de la Compagnie par des Wargs possédés, peu avant le passage dans la Moria.
Néanmoins, je tiens à préciser qu'il ne s'agit nullement d'un "clône" de Tolkien, et que la Guerre des Cygnes possède son charme propre ainsi qu'un grand nombre de thématiques originales, voire inédites en fantasy: les nagars, esprits des eaux et fantômes de sorciers, les chercheurs d'histoires et tisseuses de visions, la dichotomie entre la terre entre les montagnes et les terres secrètes...
J'ai pour ma part été attiré dès l'introduction, où quatre cousins se réunissent pour planifier l'assassinat du cinquième, chacun avec ses motivations propres, qui le poussent à agir à contrecœur (enfin, pour la plupart). L'histoire des enfants de Wyrr a achevé de me séduire, et les descriptions évocatrices des terres secrètes m'ont tenu sous leur charme.
Néanmoins, quelques reproches s'imposent (sinon certaines mauvaises langues douteraient de ma paternité à l'encontre de cette critique): - Les sorciers et leurs capacités de nagars servent un peu de deux ex machina par moment. - A d'autres moments leurs capacités ne sont pas assez exploitées, justement. - La mort du grand méchant est saisissante par sa brutalité, et finalement sa simplicité: tout ça pour ça, a-t-on envie de se demander? - La division des personnages en "compagnies" qui se croisent et se rattrapent sur les chemins des terres secrètes, est par moment inutile du point de vue de l'histoire et agaçante pour le lecteur. - Certaines scènes de persuasion des personnages manquent de crédibilité, du genre: "Oh, c'est-y pas not' bon prince? Tous avec lui, mes amis!", "Ce jeunot a une bonne tête, j'aurais tendance à le croire...", ou encore "Bah si tu dis que tu n'es pas un traître, ça doit être vrai alors." (parodie inclue, n'allez pas non plus vous faire des idées, ça reste plus fin).
_________________
- Low Blood Pressure Evil Lord -
|