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 Sujet du message: Jouer avec l'Histoire (Collectif)
MessagePosté: Lun Aoû 24, 2009 4:35 pm 
Vieux Troll
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Inscription: Mar Mar 21, 2006 4:06 pm
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Pinkerton Press, c'est un peu à mon sens ce qui aurait dû arriver il y a plus de vingt ans et qu'on n'attendait plus. A savoir, une maison d'édition qui a pour vocation de publier des bouquins sur le jeu de rôle qui ne sont pas des jeux de rôle. Là je dois dire que leur première production, je l'ai savourée.

Sous la direction d'Olivier Caïra, la personne intelligente en France qui a fait un travail universitaire sur les rôlistes pour situer, l'ouvrage livre neuf chapitres qui passent en revue les différentes façons de jouer du jeu de rôle en situation historique. Et des grands monsieurs sont invités ! Rq : où sont les femmes ?, mais çà, on peut pas dire que c'est parce qu'on a attendu vingt ans.

On ouvre le livre et on a le droit à une sympathique introduction d'Olivier Caïra, suivie de neuf chapitres qui se veulent couvrir trois grandes parties :
-Trois Jeux, trois traitements de l'histoire : où on a le droit à un survol en forme de visite guidée par l'auteur de successivement, Te Deum pour un massacre (à lire absolument), Pavillon Noir et Maléfices (relancé par sa troisième édition)
-Jouer dans un cadre historique : cette fois c'est la façon d'aborder le jeu de rôle quand on doit se coltiner un background alimenté par nos cours d'histoire-géo qui est traitée.
-Les plaies vives de l'histoire : là on est gratifié par les intervenants de réflexions diverses sur l'histoire en tant qu'arrière-plan culturel dans lequel on a grandi et qui comporte aussi son lot de "bad guys".

Je vous livre mon avis personnel, tout ne m'a pas convaincu, mais l'ensemble est globalement de très grande qualité et assez jouissif : en effet, on voit l'ébauche d'un dialogue avec ceux qui remplissent les pages de nos jeux fétiches (ou pas) s'ouvrir, et ça ça fait quelque chose.

Dans la première partie, ne ratez pas le commentaire de Te Deum par Jean-Philippe Jaworsky. On y trouve un argumentaire posé et joliment fait sur la façon dont ce jeu à l'audience plus réduite que d'autres (en tout cas moi j'étais passé à côté) a été développé, sur les questionnements éthiques et ludiques qui ont animés les auteurs, sur les réponses apportées dans le jeu aux problèmes évoqués et sur les intérêts que ça soulève en terme d'interprétation. J'ai adoré et pour ouvrir le livre, ça m'a donné envie de jouer à des jeux historiques, moi qui comme beaucoup, ai toujours eu tendance à snober çà. La Renaissance, ça m'évoquait plutôt des pages très sombre d'un livre de lycée très poussiéreux, aujourd'hui j'ai envie d'en soulever le voile. La suite est du même tonneau (ahah de rhum) avec Pavillon Noir. J'ai regretté que la figure du pirate ne soit pas plus développée R. Maroy, l'auteur, car elle fait incontestablement une partie énorme du jeu. Bref les aspects sociologiques du thème sont mis de côté et c'est le professionnel de l'écriture qui parle. Instructif et rafraichissant, bien que ça parte dans une direction légèrement différente de celle du premier chapitre et que j'attendais plus sur le sujet, qui je pense aurait beaucoup à dire. Je pense que l'effleurement auquel se limite l'auteur vise à ne pas dévoyer son thème. Mais au final, on comprend bien qu'on ne fait pas un jeu de rôle comme on fait de la piraterie. Enfin Maléfices se laisse lire comme une synthèse des enjeux évoqués par les deux premiers chapitres. Les auteurs ont la maturité de deux éditions pour eux, et D. Dugourd sait aller à l'essentiel. On a le droit à une vision diachronique de la construction du projet Maléfices 3èdition qui culmine quand on arrive à parler des parties autour d'une table. La suspension d'incrédulité y est évoquée avec bonheur. Enfin on sait de quoi on parle et ce que l'on fait entre nous quand on se réunit et on se rend compte aussi qu'on peut le dire avec des vrais mots. Le contrat narratif et tout çà restent à développer, mais çà c'est à chacun de le faire, et c'est avec l'impression de ressortir d'une plongée oppressante dans les volutes fuligineuses de ce jeu bien français qu'on se découvre pourtant l'esprit clair et ouvert sur des problématiques "de jeu".

La deuxième partie est le coeur de l'ouvrage, ce à quoi on s'attend en regardant la couverture et en achetant le livre : comment on joue avec ce contexte historique. L'intervention de Jérôme Larré est celle qui m'a le plus impressionné. Ce truc aurait du exister depuis le début j'insiste. Et d'ailleurs, l'ensemble des techniques de construction de trame passées en revue ici s'appliquent presque aussi bien à de très nombreuses situations différentes des situations historiques envisagées. Sans dire que J. Larré nous apprend à faire du jeu de rôle, l'esprit de synthèse dont il fait montre ici est un bijou. On passe en revue la façon de traiter les arcs, les ambiances et les genres, la narration et d'autres choses encore. Et sa vision d'un scénario historique est époustouflante. Faire un scénario historique dans Battle Star Galactica par exemple, il y a de quoi convaincre définitivement les dernières réticences qui s'accrochaient en moi contre le genre. Toutes les techniques pour faire rentrer sa campagne dans le cadre d'une trame historique viennent sceller ce chapitre en permettant de bien construire son histoire, dans l'Histoire. Le chapitre suivant est un traitement du genre dans la campagne historique, par Romain d'Huissier, ou en quelque sorte un kit pour rendre un cadre historique funky. Etant déjà convaincu, j'ai trouvé ce chapitre plus dispensable, mais le parallèle choisit entre Qin et Mandarins&Manigances (un jeu fictif) utilisé ici fait mouche. L'article spoile un peu la campagne de Qin, mais on saisit bien le propos à travers les exemples. On peut jouer de l'historique sans que ce soit austère, sans que ce soit toujours la même chose à la fin, sans que ce soit des parties qui finissent par se ressembler. Le dernier chapitre est fait par Antoine Dauphragne, un autre universitaire. Donc moi le style m'a parlé, j'ai trouvé une certaine valeur à le voir s'interroger sur la façon dont les rôlistes perçoivent le moyen-âge, pour finir par me dire que moi je savais : le moyen-âge, c'est Kaamelot ! Une sorte de contre-exposition de la question du style vue par la lunette d'une période historique mieux définie cette fois en l'occurence le moyen-âge (mais qu'est-ce ?) ! Et on y apprend que si Miles Christi est juste trop bien comme jeu sur le moyen-âge, il est aussi juste injouable !

Enfin, la dernière partie parle de l'histoire comme un truc sérieux et de ce qu'il faut faire gaffe pour ne pas s'y prendre les pieds. Bon le tout parle surtout de nazis en fait, la plus sale pustule lépreuse de l'histoire de l'humanité. Christophe Chaudier et Yann Lefevre ont la difficile tâche d'ouvrir cette partie. Le jeu CRIMES, qu'ils éditent, va être leur principale source d'exemples et du coup on se retrouve mis devant la question de ce qui est publié et de ce qu'il en ressort et donc confronté à la responsabilité des auteurs et des éditeurs. Enfin c'est surtout çà que j'en ai reçu. On passe un peu loin de la question des passages délicats de l'histoire et de la façon de les traiter selon moi, au bénéfice de celle de l'attention et de la réception du public face à un produit publié, question qui transparait largement. Intéressant, surtout que le contexte est là encore assez parlant. Une sorte de prolongement du jeu CRIMES je pense, avec des questions générales sur la réception du matériel historique par le public une fois traité par des auteurs de fiction et de jeu. La vraie approche des problématiques difficiles reste nébuleuse. La suite rentre directement dans la chair du sujet, on y revient sur le traitement de la Shoah et sur les échos que ceci à provoquer en jeu de rôle. La conclusion est pratiquement unanimement sans appel : à la différence du traitement artistique (cinéma, livre) le jeu de rôle n'est pas propice à une activité de prise de conscience. C'est le point de vue de Caïra. Loin de dire que ce type de jeu éloigne le joueur de ses inhibitions ou que la question est trop morbide pour en faire un jeu, Olivier Caïra tire le chien par la queue et va chercher tous les sons de cloche possible pour expliciter ces impossibilités de façon scientifique. Des pistes existent tout de même pour qui veut jouer dans un tel contexte, sans nécessairement le mettre en scène. Dernière partie, Christophe Valla parle des nazis dans Cthulhu. La conclusion là encore pourrait ressembler à "mélanger ces monstres abjects (nazis + Mythe) pour les additionner dans un éventuel potentiel d'horreur n'est pas d'un grand intérêt". La question de l'ambiance pulp et du rôle des méchants dans ces histoires retient plus son attention. Les nazis sont bien sûr des méchants parfaits, ils sont l'archétype du méchant. Comment ne pas faire avec tout çà une sauce indigeste est l'intérêt de l'article. Moi personnellement, je n'aime ni Cthulhu, ni les nazis, mais le texte est salutaire par le recul qu'il prend sur ces abominations en lui présentant un visage dont les facettes sont mieux compréhensibles à un esprit humain.

L'ensemble du bouquin s'enchaîne sans séparations. Si on a souvent un jeu mis en avant comme un décor pour les arguments, les éléments de réponse à la question de l'utilisation du matériel historique sont distillés à chaque étape qui apporte sont lot de réflexions plutôt sympathiques. De nombreux encadrés d'autres auteurs et intervenants bonus (Michel Léger sur Te Deum, Julien Heylbroeck sur WarsaW, Christian Grussi sur Arkéos et Thierry Salaün sur Cthulhu DDR, ainsi qu'Olivier Caïra lui-même à plusieurs occasions) viennent enrichir encore la réflexion et donner des contrepoints-de-vue éclairant avec contraste les développements des chapitres. La diversité des auteurs est source permanente de nouveauté et même les (rares) répétitions sont toujours instructive de par la présentation différente qui les accompagne. Pour un coup d'essai c'est un coup de maître des Pinkerton Press. Si vous ne jouez jamais historique faites vous prêter ce livre il est vraiment super intéressant de toutes façons. Et si vous jouez parfois ce type de parties, n'hésitez plus, c'est un achat nécessaire et hautement recommandé. En plus il est franchement pas cher et des produits comme celui-là ont vraiment besoin d'exister et nous ça nous fait plaisir de les lire alors autant soutenir.

Alexandre

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