Salut
Ayant fait l'acquisition de la 4ème édition de Dungeons & Dragons dans une charmante échoppe qu'il sera inutile de nommer, je vais m'efforcer ici d'exposer une petite critique de la bête
En premier lieu, et par souci d'objectivité, je vais préciser mon parcours concernant D&D :
- 10 ans, une certaine boîte rouge me tombe dessus, lâchée plus ou moins sciemment par mon progéniteur, qui ignorait pourtant les terribles conséquences de son acte
- Après, j'aimerais bien jouer, mais les partenaires ne sont pas faciles à dénicher
- 13 ans ou environ, j'apprends l'existence d'un AD&D, et entreprend de me procurer les dits ouvrages
- 14-15 ans, désormais équipé de camarades de classe, je peux régulièrement me complaire dans des aventures gros bills et simplistes, mais tellement satisfaisantes, où je suis presque toujours le MJ, malgré mes envies de grobilliser moi aussi
- Vers 16 ans, D&D c'est marrant, mais au bout d'un moment c'est chiant, faisons du Marvel (avec divers systèmes), plutôt
- Vers les 20 ans, armé de nettement plus d'expérience dans plein de jeux, je remets (très) brièvement le nez dans du AD&D 2ème, pour trouver ça aux antipodes du jeu de rôles et très très mauvais
- Je replonge périodiquement un regard vers D&D, désormais dans sa version 3 puis 3.5, pour trouver que ça ne vaut toujours pas grand chose à mes yeux, et que c'est plus du jeu vidéo sur table que du jdr
- 33 ans, D&D4 sort, et je lis avidement les previews avant de l'acheter
Donc, la partie background personnel achevée, examinons le sujet principal : D&D4
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Les points positifs :
Déjà, c'est simple, avec pourtant une grande richesse à plus d'un niveau.
- Pour les choix d'évolution/création
- Pour les choix tactiques en combat
La version 3.5 m'avait assommé par ses complexités inutiles, surenchérissant par dessus les versions précédentes. La 4 est limpide et claire, et a su éliminer les complexités et exceptions superflues
C'est équilibré, du moins à ce qu'il me semble. Ils ont lourdement playtesté à l'avance, et ont eu à coeur de rendre comparables les efficacités et puissances relatives de différents personnages, essentiellement en combat.
Simplicité aidant, et avec les nombreuses options pour créer des personnages, même avec la même classe et race, ça valorise plus à mes yeux l'idée d'avoir un vrai personnage, avec une vie et une personnalité, et donc de ramener le jeu vers du rôle.
La quasi élimination des alignements, ou du moins leur simplification et le retrait de presque toute importance associée, va aussi dans ce sens de se demander un peu plus qui au juste est ce personnage qu'on joue.
Avoir à le définir moralement et historiquement se révèlera, je l'espère, nettement plus riche que de se cantonner à la définition d'alignements que j'ai toujours trouvés plats et vides.
Les races et classes de base sont pour moi bien choisies, pour refléter autant le classicisme du jeu et de la fantasy, qu'un peu de renouveau en la matière et d'exotisme. On peut regretter évidemment de ne pas y trouver 40 races et 50 classes, mais on apprécie de ne pas payer l'ouvrage 800 Euros pour 20000 pages
Les divisions de sources de pouvoirs, et types de pouvoirs par fréquences d'utilisations sont très astucieuses, car là encore simples et ludiques, rapides à appréhender et utiliser. Elles donnent envie d'en voir encore plus, et nous laissent envisager de multitudes de classes et pouvoirs à venir...
La diminution du nombre de compétences, du fait d'une fusion de nombreuses compétences inutilement détaillées, fait beaucoup de bien. Je regrette cependant une certaine absence de nuance et de contrôle sur leurs niveaux respectifs.
La volonté de cadrer les combats dans une logique de cartes à cases et de figurines est certes contraignante, mais a le mérite de toujours permettre une gestion cohérente des conflits, et de ne jamais laisser de doute quant aux positions respectives des protagonistes.
La base de règles est tellement simple qu'elle est aussi très souple, et permet avec peu de travail de compenser la plupart des aspects négatifs du jeu.
Du coup, c'est un excellent jeu pour un débutant en jeu de rôles. Jamais je ne songeais sérieusement à conseiller D&D3.5 comme jeu pour débuter le jeu de rôles. Trop compliqué, trop loin du jeu de rôles, d'ailleurs.
D&D4 est revenu vers le rôle, et surtout vers le simple, et donc l'accessible.
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Les remarques neutres et générales :
D&D4 s'affiche désormais non pas comme un système générique, mais comme un jeu spécifique, avec un contexte et une ambiance propre. Les critères qui définissent 'un monde D&D' sont clairement explicités, et ne concerneront pas tout univers imaginable.
D&D4 annonce donc directement être conçu plus pour de l'aventure plutôt pulp et orientée vers l'épique et le fun. On peut s'en servir avec des variations, et changer un peu la recette, mais c'est là le coeur du jeu.
Graphiquement, c'est assez différent d'avant. J'aime bien le nouveau, mais j'avoue que l'esthétique intérieure de D&D3 me plaisait beaucoup. Par contre, je n'étais pas convaincu par le style faux grimoire à clapet, et je préfère les couvertures plus épurées de la nouvelle mouture.
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Les éléments négatifs :
On peut bien sûr regretter un TRES faible contenu, niveau règles et capacités, pour tout ce qui sort du combat. En un sens, c'est un net appauvrissement.
Il convient cependant de noter que cela met du coup tous les personnages, races et classes à peu près sur un pied d'égalité pour résoudre et gérer ces situations. Le magicien n'a plus la possibilité de résoudre une enquête en 2 secondes avec un sort de lecture des pensées, et la diplomatie ou le marchandage sont donc susceptibles d'être pratiqués par tout personnage, plutôt que d'avoir recours à des pouvoirs qui gâcheraient le jeu.
On verra si Wizards modifie cette dimension avec le temps, où persiste dans cette voie, dont je peux bien m'accommoder.
A certains égards, cela me rappelle les toutes premières éditions de D&D, où le système n'était voué qu'au combat et aux progressions, et permettait du coup de laisser libre court à son imagination pour le reste, et encourageait plus la dimension 'rôles' que les suivantes, à mon avis.
Les combats étant obligatoirement gérés avec des cases et des manoeuvres spéciales, il est difficile de ne pas y voir un jeu de figurines, ou même un jeu vidéo. En même temps, c'était déjà vrai à mes yeux sur la version précédente, et là encore, c'est un prix logique à payer pour avoir des combats plus carrés et compréhensibles. On risque cependant d'y perdre en ambiance pour ceux qui veulent plus poser une atmosphère de jeu.
Les progressions et évolutions des personnages, largement du fait du système de classes, nous ramènent encore, comme sur la précédente édition, à l'impression déplaisante de faire un jeu vidéo avec du papier, une table et des dés. Gling, niveau 3, vous gagnez telle ou telle capacité, vous pouvez choisir ça ou ça... Même si les choix sont plutôt nombreux, la logique reste incroyablement artificielle et non-organique.
Ca contribue énormément à faire perdre l'illusion de rôle pour nous ramener à des mécaniques de jeu somme toute très factices.
On ne songera pas, à D&D, à s'arrêter quelque part pour apprendre quelque chose ou étudier auprès de quelqu'un, puisque les progressions restent exclusivement liées aux passages de niveaux...
Du coup, en tangente du point précédent, la logique de classes nous ramène à des voies toutes tracées pour l'évolution de son personnage. Si le multiclassage de D&D4 permet d'apprendre des bouts d'une autre classe, et si les classes sont ici tout de même assez riches en contenu, il n'en reste pas moins que les règles nous contraignent là encore à une certaine linéarité, à poursuivre dans une voie relativement exclusive, sans vraie possibilité d'un individu à changer progressivement de carrière ou de mode de vie, et changer son expertise vers un autre domaine, ou acquérir des expertises multiples.
Comme depuis la première édition, on conserve un attribut de Force dont les applications sont à mon sens très déplacées.
Depuis tout temps, à D&D, la Force permet non seulement de porter des coups puissants (et accomplir d'autres actes de virilité musculaire), mais aussi de porter des coups tout court.
A savoir qu'être très fort signifie obligatoirement être adroit et assuré dans les coups envoyés, rapide à les donner et mieux capable de réagir vite et sûrement aux défenses et mouvements de son adversaire.
En d'autres mots, être fort c'est aussi être agile, rapide, coordonné et plein de réflexes, mais seulement dans une dimension offensive, comme s'il y avait une barrière intangible entre ces qualités lorsqu'on les applique à l'attaque ou à la défense (où là, c'est bien sûr la Dextérité qui s'applique).
Cela signifie que aussi bien pour utiliser des armes énormes à deux mains que pour l'usage des rapières, ou de la boxe, tout ce qu'il importe pour toucher un adversaire (outre l'entraînement, bien sûr), c'est d'être un colosse...
Ce problème n'est pas nouveau, et je regrette qu'il n'ai pas été corrigé dans cette mouture...
Autre atavisme de la préhistoire du jeu, la CA, qui nous laisse entendre que porter une grosse armure très lourde et épaisse, ça rend difficile à toucher... On pourrait plutôt imaginer, comme dans tous les jeux de rôles écrits depuis (ou presque), qu'une protection rend surtout difficile à blesser, ou du moins blesser sérieusement...
Là, on a du mal à toucher un adversaire en plaque, mais si on parvient à le toucher, on lui inflige les même blessures/contusions que s'il était à poil.
Les points de vie demeurent pour moi un point sensible. D'une part à cause d'une traduction française qui persiste à être malheureuse. On devrait plutôt parler de points de coups pour être juste, et refléter ce qu'ils sont supposés représenter.
Ensuite parce que même si leur gestion a été nettement améliorée dans cette version (au revoir les dés de vie, youpi), l'idée sous-jacente reste la même, à savoir qu'un personnage peut se prendre des quantité de jetons et être à la limite de tomber (qu'il soit réellement 'blessé' ou pas), sans à aucun moment marquer la moindre baisse de régime.
Certes, c'est héroïque, voire épique, mais moi ça me dérange toujours un chtit peu.
Le d20 reste pour moi un choix malheureux pour gérer la plupart des actions, car trop aléatoire. Je comprend là encore la volonté de continuité, mais j'aurais de loin préféré un tirage qui moyenne un peu les probabilités, comme 2D10.
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Voili voilou, quelques remarques sur le nouveau D&D.
Prochainement sur vos écrans, mes suggestions toutes personnelles pour remédier à certains des points qui me chagrinent.
Puisque, comme je l'évoquais plus haut, la beauté de cette édition, c'est que même les points que je trouve nuls peuvent assez bien être corrigés en vertu de la simplicité du système.
Karl